[Féminiser ses équipes] Tip#6 Assurez leur promotion

par | Août 14, 2023 | All, Les femmes dans des postes de direction | 0 commentaires

Je n’ai pas écrit une ligne depuis bien trop longtemps et il est temps de reprendre la plume ! J’aimerais parler de la promotion des femmes. Le principe n’est pas très différent du « Tip #1 recrutez les », mais cette fois-ci le travail s’effectue en interne, dans l’entreprise. Les techniques de promotions varient d’une compagnie à l’autre, et même si cela n’est pas intentionnel, certaines défavorisent les femmes.

Nous avons déjà établi que la majorité des femmes ne postuleront à un poste que si elles sont sûres d’avoir toutes les compétences requises. Ainsi, par définition, une entreprise qui publie des postes ouverts à  candidature verra bien moins de femmes avancer leur nom qu’une entreprise qui identifie et propose le poste aux candidats potentiels directement.

Envoyée en Chine par mon entreprise en 2014, je devins la directrice d’une usine de 800 personnes et… l’unique femme de toute l’équipe dirigeante. A mon arrivée, les responsables étaient tous très fiers de m’expliquer que la moitié des ingénieurs qu’ils recrutaient étaient des ingénieures… Jusqu’à ce que je leur dise « 50 % au recrutement, 0 % dans des rôles de management, même de premier niveau. Et vous êtes fiers de vous ? Vous avez construit un plafond de verre en béton armé et vous êtes fiers de vous ? » Grand silence dans la salle. Ce que j’avais trouvé perturbant est le fait qu’ils étaient réellement fiers de leurs chiffres et qu’à aucun moment, ils n’avaient pensé qu’il pouvait y avoir un problème.

Quand je quittais mon poste trois ans plus tard, la moitié de l’équipe dirigeante était désormais féminine et le nombre de personnes de nationalité chinoise aux commandes avait également cru considérablement.

Identifier les compétentes discrètes

La méthode employée pour augmenter la part de femmes dans le management est très similaire à celle utilisée pour un nouveau recrutement. Il s’agit d’identifier les candidates qui ne sont pas habituellement sur la liste des potentielles promotions car trop discrètes, bien qu’elles soient compétentes. Celles qui ont des difficultés à suivre le tip #5 et qui ne prennent pas la parole pendant les réunions.

La technique du quota des candidatures, qui consiste à exiger un nombre minimum de femmes dans les candidatures présentées fonctionne très bien. Et j’utilise le mot exiger volontairement. Si la diversité requise n’est pas là, je bloque le processus de recrutement. Donc, rapidement tout le monde comprend que je suis très sérieuse sur ce sujet, et que ne pas suivre la règle n’est pas une option. Les gens deviennent très créatifs face à cette contrainte.

Mais cela ne suffit pas, il est nécessaire également d’être prêt à innover. Par cela, j’entends accepter une personne qui ne corresponde pas aux critères habituels de leadership. Les qualités généralement recherchées chez un manager sont majoritairement des qualités valorisées chez la plupart des hommes : autorité, confiance en soi, force de caractère. Aussi est-il important d’aller à l’encontre des biais inconscients que nous avons tous et de promouvoir des personnes correspondant moins au profil “manager typique” sur papier (homme ou femme) mais qui sont de vraies personnes d’action, qui délivreront le résultat escompté et certainement plus. Des leaders qui n’hésiteront pas à montrer leur faiblesse et qui partageront leurs doutes avec leurs équipes. Prendre le pari de miser sur des styles de management non-habituels.

La bonne nouvelle est que ces promotions vont très vite créer des cercles vertueux, des rôles modèles qui permettront à plus de femmes de se positionner sur des postes de management.

Il est important de préciser que le fait d’augmenter le nombre de candidates sur la ligne de départ ne signifie pas faire de la discrimination positive. Il est juste question de permettre aux femmes de participer à la course. La sélection finale se fera sur des critères tels que le profil et le talent des candidats et candidates.

L’expérience a montré que les entreprises qui s’engageaient sur cette voie arrivaient tout juste à promouvoir un nombre de femmes équivalent aux hommes en pourcentage, donc que tout ce travail ne permettait que de rendre le système plus équitable.

Attention au biais de « protection »

Je souhaiterais aussi aborder avec vous un biais important dans l’attribution des postes, à savoir le biais de protection. C’est une variante du sexisme paternaliste, où, à force de protéger les femmes, on les maintient dans une position de dépendance.

Le principe est que si deux postes sont libres, normalement, l’un des deux sera plus difficile que l’autre. Quasiment systématiquement, on évitera de donner le poste avec plus de responsabilités à la femme. Il est intéressant de noter que cela est fait en vue “d’aider” la femme afin de lui donner plus de chances de réussir. Elles sont si peu nombreuses à atteindre des postes de management qu’on ne veut pas risquer de perdre celles qui y parviennent. Cependant, l’effet pervers de cette décision est que pour la prochaine promotion, on favorisera celui qui a su se démarquer en gérant des situations épineuses dans un contexte difficile ; et non celle dans un poste moins complexe, dont le travail sera moins valorisé. Je dis “celui” puis “celle” sciemment, car cela sera fréquemment la femme à qui il n’a pas été donné l’opportunité de briller. Et tout cela est un effet collatéral qui est un vrai frein à la progression des femmes, même avec la meilleure volonté du monde ! Une bonne volonté certes, mais une bonne volonté tout de même aux relents paternalistes, ayant des effets plus néfastes que bénéfiques.

Il est à la portée de toutes les entreprises d’obtenir la parité dans leurs  équipes dirigeantes en permettant la promotion de personnes compétentes avec plus de diversité dans les styles de management. Les entreprises et leurs employés ne s’en porteront que mieux, nous avons tous et toutes à y gagner !

Magali Anderson

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