Habiter le temps : un nouveau regard sur le travail à l’époque des cornavirus

par | Sep 10, 2020 | All, Autres, Others, Others | 0 commentaires

Article rédigé par Marc Grau-Grau dans People acciona 20 avril 2020

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La crise COVID-19 pourrait devenir une révolution symbolique dans notre façon de travailler et de soigner. En substance, un nouveau regard sur notre façon de vivre.

La rapidité et l’efficacité sont deux caractéristiques de la modernité qui sont étroitement liées : faire les choses aussi bien que possible et de plus en plus vite. C’est ainsi que naît le progrès. Les pères de la sociologie, qui n’étaient que des observateurs de leur réalité, ont vu de leurs propres yeux comment un monde s’est effondré et un nouveau s’est élevé avec la révolution industrielle. Ils ont examiné la reconfiguration de deux mondes qui n’en formaient qu’un : le travail et la famille[1]. Parmi les nombreux éléments présents dans ce nouveau monde, il y en a un primordial : l’usine, et avec elle, un nouveau timing de la société. Si le début et la fin de la journée de travail étaient auparavant marqués par le soleil, l’horloge devient désormais le guide.

Une nouvelle façon de mesurer le temps : l’horlogerie de la société

Cette synchronisation de la société a apporté d’innombrables avantages, mais aussi des risques substantiels qui sont toujours présents. L’un d’eux est le passage de la promptitude comme axiome à la sur-accélération. Cette sur-accélération est liée à la distraction, à l’anonymat et au manque de réflexion[2]. Même les touristes sont pressés, comme l’a souligné le sociologue polonais Zygmunt Baumann. Et cette sur-accélération nous a conduit à vivre un paradoxe : le temps sans temps, ou selon Gustavo Duch, la famine du temps [3]. Examinons les implications de ce concept.

Le paradoxe du temps sans temps

La famine de temps, ou le temps sans temps, est une perception subjective d’une situation objective où une personne estime qu’elle n’a pas assez de temps pour satisfaire toutes ses exigences, ses responsabilités et ses devoirs professionnels, familiaux et personnels. Cette notion de « je n’ai pas assez de temps », omniprésente dans les sociétés post-industrielles, a été sous-estimée comme un problème mineur et léger jusqu’à la crise de Covid-19. Les experts avertissent toutefois que cette question mineure, légère et invisible a des implications difficiles, majeures et visibles lorsqu’on parle de santé, de productivité et de qualité des relations, qui finissent par marquer la qualité de toute société donnée.

Cette situation s’est aggravée avec les nouvelles dynamiques familiales de ces dernières décennies, où un modèle dans lequel un seul des parents avait un travail rémunéré et l’autre fournissait des soins – modèle du gagne-pain -, est passé à un autre où règnent les partenariats à double revenu, ce qui nécessite une nouvelle dynamique organisationnelle encore en cours qui renforce cette perception de manque perpétuel de temps.

L’une des initiatives les plus remarquables promues par les gouvernements et les organisations afin de résoudre cette perception a été la mise en œuvre de politiques de conciliation entre vie professionnelle et vie privée. Le but ultime de ces politiques est de s’appuyer sur le bon jugement de chacun et de lui donner suffisamment d’autonomie pour mieux gérer ses exigences professionnelles, familiales et personnelles.

Crise du coronavirus : politiques de conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée, et légitimité à en bénéficier

Malgré la démocratisation des politiques de conciliation travail-vie privée au sein de nombreuses organisations, les chercheurs en sciences sociales soulignent une sous-utilisation de ces politiques. Ce phénomène s’explique par de nombreuses raisons, que nous approfondirons dans des articles ultérieurs ; mais les plus fréquemment mentionnées par les employés sont le manque de légitimité, le manque de communication, les normes sociales et culturelles, et la stigmatisation de la flexibilité, qui n’est rien d’autre qu’une perception des effets négatifs possibles sur la trajectoire professionnelle des hommes et des femmes liés au fait de bénéficier de ces politiques.

Néanmoins, la crise de Covid-19 pourrait transformer le paysage actuel. L’irruption du nouveau coronavirus, en laissant de côté pour un instant toutes ses conséquences amères, peut également marquer un nouveau point de départ concernant une nouvelle réalité professionnelle. Le télétravail en est un exemple. En quelques jours seulement, il est passé d’une option non largement répandue à une alternative qui, bien que forcée par les circonstances et non dépourvue d’éventuelles conséquences négatives encore à examiner en détail, a permis de sauver de nombreux emplois[4].

Le sociologue Pierre Bourdieu a publié une analyse perspicace, pointue et pénétrante du peintre français Édouard Manet. Il y invite les lecteurs à réfléchir sur le concept de révolution symbolique et sur les racines de son importance. Les révolutions symboliques sont celles qui établissent de nouvelles structures cognitives, de nouvelles façons de percevoir, de lire et de voir la réalité. Peut-être sommes-nous déjà au milieu de l’une d’entre elles, sans nous en rendre compte. Espérons que nous saurons tirer parti d’une situation aussi critique pour peindre un nouveau paysage concernant notre façon de travailler, de nous soigner et, en fin de compte, de vivre.
1] Il existe un livre exquis d’Ana Isabel Erdozáin sur la vie de Nestor Ferdinand Tönnies, auteur de Community and Society, en sociologie allemande.
[2] Pour plus d’informations, lire Vida Cotidiana y Velocidad de Lluís Duch
[3] Terme inventé par Leslie Perlow, professeur à la Harvard Business School.
Les mesures de flexibilité doivent présenter deux caractéristiques : offrir une autonomie et le temps nécessaire pour atteindre les objectifs fixés.
Dans la situation actuelle, ces deux caractéristiques s’estompent.
Les opinions exprimées dans ce document sont uniquement celles des auteurs.

Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

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